Lesley Facey

Lesley enseigne l’immersion française à Brookside Intermediate, une école urbaine de Terre-Neuve qui accueille des élèves de la 5e à la 9e année. L’école est située dans une ville dortoir juste à l’extérieur de la capitale de la province, où le contexte socio-économique est favorable, le soutien parental est important et les salles de classe sont bien équipées. Dans le cadre d’un conseil scolaire provincial unifié, l’enseignement de Lesley est marqué par la volonté de représenter les différentes régions de Terre-Neuve-et-Labrador, y compris les communautés rurales, les villages isolés et les communautés autochtones, dans un curriculum standard. Bien que le curriculum officiel en études sociales n’ait pas fait l’objet de révisions majeures récemment, on observe une tendance croissante à y intégrer des thèmes contemporains, notamment la colonisation, les perspectives autochtones et la diversité culturelle. Alors que Lesley a d’abord enseigné dans des communautés homogènes, majoritairement blanches et anglophones, son école actuelle accueille de plus en plus de familles immigrées et réfugiées. Cette évolution l’a amenée à adopter une approche plus inclusive et participative de l’enseignement des études sociales. Dans son cours sur les cultures du monde destiné aux élèves de 6e année, par exemple, elle invite régulièrement les parents et les membres de la communauté à venir parler de leurs pratiques et traditions culturelles, telles que Diwali et le ramadan, ce qui permet aux élèves de s’intéresser à l’histoire et à la culture à partir d’expériences vécues. De telles occasions, qui permettent de faire entendre des voix authentiques et de relater des histoires personnelles, favorisent un niveau plus profond d’empathie et de réflexion chez les élèves.

Brookside Intermediate
Portugal Cove – St. Phillip’s,
Terre-Neuve-et-Labrador


ENSEIGNEMENT ET APPRENTISSAGE

Lesley a parlé ouvertement de la façon dont son identité influence sa manière d’enseigner l’histoire. Née dans une famille d’origine anglaise et écossaise dans l’une des communautés isolées de Terre-Neuve, Lesley ne considère pas que son histoire personnelle soit particulièrement « intéressante ». Cependant, elle a appris à accepter son histoire et à la partager avec ses élèves de manière à susciter leur curiosité et leur réflexion.

« C’est encore mon histoire », leur dit-elle en sortant le livret de la marine marchande de son grand-père, sur lequel est apposé le cachet « Citoyen de l’Empire britannique ». Dans ces moments, les élèves sont souvent stupéfaits d’apprendre que Terre-Neuve n’a rejoint le Canada qu’en 1949 et que son père n’était pas un citoyen canadien de naissance, mais un sujet britannique. Ces récits offrent un lien réel avec l’histoire politique, l’héritage colonial et l’évolution des identités nationales, le tout raconté selon une perspective personnelle.

Lesley est également la mère d’un fils adoptif, né dans un autre pays et d’une autre culture, dont la présence dans sa vie a remodelé son approche de l’inclusion et de la mémoire. Dans leur maison, le drapeau canadien côtoie celui du pays d’origine de son fils, et elle affiche fièrement le certificat de citoyenneté de ce dernier à côté de ses diplômes. 

« Je suis canadienne. Mais nous avons préservé la culture de mon fils et nous reconnaissons ses origines. Nous reconnaissons la cuisine de son pays d’origine et tous les petits détails de sa vie. Nous n’avons pas cherché à les effacer », explique-t-elle. De la nourriture à la langue en passant par les rituels du coucher, Lesley intègre les origines culturelles de son fils dans leur vie quotidienne. En classe, cet engagement renforce son approche pédagogique, qui valorise l’authenticité, favorise l’empathie et laisse place à des histoires à la fois profondément personnelles et interconnectées à l’échelle mondiale.

Image fournie par Lesley Facey

CONNAISSANCES AUTOCHTONES

Lesley a parlé de l’importance d’intégrer l’histoire, les connaissances et les perspectives autochtones dans son enseignement, ce qu’elle décrit comme un changement important et nécessaire par rapport à sa propre formation scolaire. Ayant grandi à Terre-Neuve, elle n’a jamais rien appris sur les pensionnats indiens. 

« Quand j’ai enfin appris leur existence, se souvient-elle, on les décrivait comme quelque chose qui remontait aux années 1800. Et maintenant, je sais que le dernier n’a fermé ses portes qu’en 1997. J’étais en neuvième année à l’époque. C’est alarmant de voir que j’étais en neuvième année et que je ne savais pas ce qui se passait. »

Lesley est déterminée à aider ses élèves à comprendre non seulement l’histoire, mais aussi les séquelles persistantes des dommages causés par la colonisation. Son approche comprend des discussions en classe sur les appels à l’action de la Commission de vérité et réconciliation, qu’elle explore avec ses élèves d’un point de vue critique. 

« Nous n’avons encore atteint que quatorze des objectifs », leur dit-elle, ce qui incite la classe à demander : « Pourquoi cela prend-il autant de temps ? » Pour Lesley, cette question montre que ses élèves font partie de la génération qui peut amener un véritable changement.

Lesley a évoqué les témoignages et les expériences authentiques des peuples autochtones eux-mêmes. « Ils en savent plus que je ne pourrai jamais en savoir », précise-t-elle. Plutôt que de parler au nom des autres, elle organise des occasions pour les élèves d’apprendre directement auprès des détenteurs de connaissances autochtones au moyen des médias, des récits, de la musique et de l’art. Elle cite notamment une série nationale diffusée en direct à l’occasion de la Semaine de la vérité et de la réconciliation, qui intégrait en temps réel dans les salles de classe des percussions traditionnelles, des danses, des légendes et des démonstrations culinaires. Ces expériences n’ont pas seulement éclairé les élèves, elles les ont également émus. Lesley a utilisé les tableaux interactifs de l’école pour diffuser en direct des programmes provenant de tout le pays, suivis de discussions en classe et d’occasions d’interagir avec les présentateurs. Grâce à ces expériences immersives et relationnelles, elle aide les élèves à s’intéresser au savoir autochtone comme une présence vivante et continue qui élargit leur compréhension de l’histoire, de la justice et de la communauté.

Image fournie par Lesley Facey

PENSÉE HISTORIQUE

L’approche de Lesley en matière d’enseignement de la pensée historique provient de son expérience vécue, de mentors passionnés et d’un amour pour la narration, la politique et les cartes géographiques. Elle se souvient très bien de son professeur d’études sociales de 12e année, qui a bouleversé l’enseignement traditionnel dès le premier jour en disant : « Voici votre manuel », avant de le prendre et de le jeter par terre. Au lieu d’un apprentissage par cœur, il proposait des projets ouverts, des simulations pratiques et des provocations qui donnaient aux élèves l’impression d’être des historiens, des diplomates et des penseurs critiques. En tant qu’élève, Lesley a combiné son amour du sport et de la politique dans un projet sur les Jeux olympiques, tandis que ses camarades de classe abordaient des sujets tels que l’effondrement de l’Union soviétique ou les allégories de la guerre froide dans The Butter Battle Book. Deux décennies plus tard, elle s’inspire toujours de la méthode de ce professeur, reconnaissant que donner aux élèves de l’autonomie et un but est bien plus efficace que de leur enseigner en fonction des tests.

Aujourd’hui, Lesley organise des activités centrées sur les élèves. Son cours de simulation des Nations Unies permet aux élèves de faire des recherches sur des questions mondiales, de choisir des pays, de s’habiller en tenue professionnelle et de débattre dans le cadre d’assemblées formelles avec toute la passion de véritables diplomates. Lesley a elle-même pris la parole à l’ONU à New York lors d’une simulation des Nations Unies collégiale et préside les sessions de simulation des Nations Unies en utilisant les mêmes procédures que les délégués internationaux. Elle a qualifié sa visite à l’ONU à New York d’« incroyable » et a souligné qu’ils « étaient assis dans la salle de l’ONU, sur les véritables sièges équipés des machines à voter, pour débattre d’une résolution ». Lesley a également adopté un module complet de simulation du Parlement pour les élèves du primaire après avoir participé au Forum des enseignantes et des enseignants sur la démocratie parlementaire canadienne. 

Qu’il s’agisse de reconstituer des sommets mondiaux ou de transformer une salle de classe en chambre parlementaire, Lesley ne se contente pas d’enseigner l’histoire; elle donne à ses élèves les outils et la confiance nécessaires pour en faire partie intégrante.

Image fournie par Lesley Facey

Cocréé par Lesley Facey et Christine Cheng