Tiffany Gould,
Enseignante au niveau primaire
Tiffany Gould enseigne le mi’kmaw aux élèves de la maternelle à la 4e année à l’école We’koqma’q Mi’kmaw en Nouvelle-Écolle (Mi’Kma’ki). Au moment où nous nous sommes entretenus avec elle au sujet de sa pratique d’enseignement, elle enseignait diverses matières, dont les arts langagier mi’kmaw et l’anglais, ainsi que les études de la terre à l’extérieur. Elle pratique l’enseignement depuis le printemps 2014 et enseigne actuellement sur la terre We’koqma’q d’Unama’ki (Cap-Breton en Nouvelle-Écosse en français). Tiffany dit que 90 à 95 % des élèves de son école sont issus de la communauté, et que les autres la fréquentent en raison de sa réputation en matière d’autisme. Tiffany explique qu’elle se trouve « très chanceuse de vivre au Cap-Breton », ce qui lui permet, à elle et aux autres enseignants, d’inviter des « conférenciers de la communauté » pour « parler entre autres des enseignements des aînés et des traditions qui ont été perdus avec le temps en raison des écoles résidentielles ». Ces proximités donnent l’occasion de célébrer la « Journée du pow-wow » avec les communautés voisines, au cours de laquelle les élèves peuvent prendre part à des jeux, tels que le jeu de waltes, un jeu de dés mi’kmaq, échanger et se rassembler dans la joie.
We’koqma’q Mi’kmaw School
We’koqma’q, Mi’kma’ki (Nova Scotia)
Formation en enseignement
Tiffany a insisté sur la formation des enseignants dans un contexte communautaire car ceux-ci pratiquent pour les élèves et apprennent d’eux.
Un symposium tenu à Edmonton dans le cadre duquel des « Autochtones se sont rassemblés pour créer des liens avec la terre et trouver des façons d’inculquer des connaissances sur la terre en classe et à l’extérieur » est l’une des expériences d’apprentissage que Tiffany a souligné. Comme elle l’a indiqué, ce symposium lui a permis de « découvrir un nouvel intérêt pour créer davantage de liens avec la terre, non seulement pour moi, mais aussi pour transmettre mes apprentissages à mes élèves ».
Transmettre des connaissances consiste en partie à partager des enseignements et des apprentissages avec les autres, et à accepter la rétroaction de la communauté. Tiffany a déclaré : « J’ai étudié les quatre saisons et préparé un tableau annuel à respecter. Je l’ai d’abord suivi en 1re année et pris des notes sur le déroulement ainsi que sur les points à améliorer. J’ai demandé à des aînés et des membres de la communauté où mettre les éléments et quand. Je suis volontiers prête à partager ce que j’ai appris avec d’autres enseignants qui s’intéressent à l’éducation sur la terre à l’extérieur. »
Dans le cadre du transfert de connaissances, Tiffany a parlé du Jour anniversaire du traité. Il est observé tous les ans en Nouvelle-Écosse pour souligner l’importance des traités de paix et d’amitié intervenus entre les Mi’kmaq et les Britanniques. Comme les écoles de la Mi’kmaw Kina’matnewey sont fermées le Jour anniversaire du traité, Tiffany a visité une école du système public de la Nouvelle-Écosse pour parler aux élèves. Elle a dit de cette visite : « J’ai porté ma jupe à rubans et parlé de ce qu’elle représente. Nous avons lu une histoire et j’ai interprété un chant d’honneur avec ma fille. » Tiffany intègre sa pratique de l’apprentissage communautaire dans ses propres communautés grâce à des activités comme celle-ci.
Enseignement et apprentissage
Tiffany se concentre sur l’intégration de la technologie en classe pour offrir des expériences uniques en matière d’enseignement et d’apprentissage de la langue mi’kmaq.
Pendant sa maîtrise en éducation, Tiffany a renforcé sa pratique de l’enseignement avec et sur la technologie. Elle a discuté de la façon dont la transition des services technologiques de la Première Nation de l’Atlantique à la plateforme d’apprentissage en ligne Seesaw a permis à sa mère, ou « ki’ju », d’offrir des plans d’activités hebdomadaires. Ces activités comprenaient entre autres la « construction de forts avec “ki’ju” », où les élèves devaient faire des créations et parler de celles-ci en utilisant des mots mi’kmaw tels que « pla’kit » (couverture) ou « kutputi » (chaise).
Tiffany centre son enseignement sur la technologie en se demandant : « Comment puis-je atteindre ces élèves? Comment puis-je les motiver? » Elle a mis en valeur une activité où elle a transformé leur passion pour « Pokémon Go » en un jeu « Instant mi’kmaq » pour que les élèves mettent en pratique leur apprentissage dans la communauté. Dans le cadre de l’activité, les élèves prenaient des « photos d’oiseaux » tels que jipji’ik [petits oiseaux], kitpu’k [aigles], kloqntiejk [goélands] et ku’ku’kwesk (hiboux).
Dans son rôle d’enseignante de langue mi’kmaw de la maternelle à la 4e année, Tiffany a mis au point une façon stimulante d’utiliser la technologie pour rendre l’apprentissage du mi’kmaw amusant. Son mur de langue interactif comprend des illustrations des élèves et des boutons qui, lorsqu’on appuie dessus, jouent des enregistrements de mots mi’kmaw prononcés par les élèves. Le mur interactif crée des expériences plurisensorielles qui, comme l’explique Tiffany, sont essentielles pour créer des liens avec la langue. Le mur de son aide non seulement les élèves à perfectionner leurs compétences langagières, mais encourage également le personnel de l’école et les personnes qui visitent la communauté à apprendre le mi’kmaw.
Tiffany utilise des méthodes uniques et stimulantes pour atteindre les apprenants où ils sont, ainsi qu’une technologie qui rejoint les jeunes et lie les expériences d’apprentissage en classe et dans la communauté. Elle a animé des ateliers de perfectionnement professionnel destinés aux enseignants de partout au Canada pour montrer ses stratégies d’enseignement créatives et innovantes, et encourage les enseignants à mettre en pratique une idée, à ne pas craindre la technologie, et à la rendre amusante!
Connaissances autochtones
Tiffany a parlé de son ourse Aliet, l’une des poupées mi’kmaw mises au point avec la Mi’kmaw Kina’matnewey et présentées en classe pour établir des liens entre les connaissances autochtones et le contenu du programme.
Comme le décrit Tiffany : « Aliet se spécialise en mathématiques et les adore. Elle a une riche histoire familiale. » Toutes les poupées ont « des récits et des généalogies uniques, et des antécédents qui leur sont propres ».
Dans sa classe de 1re année précédente, Aliet et les poupées avaient « leur propre centre » où elle et ses amis intégraient des leçons de mi’kmaw dans l’apprentissage. Tiffany a raconté comment Aliet pouvait « jouer au jeu de waltes pour que les élèves trouvent différents moyens pour apprendre les mathématiques et les rendre amusantes ». De plus, Aliet dispose d’artéfacts tels qu’une « trousse de guérisseuse » pour l’apprentissage, et les enfants connaissent ses couleurs favorites, qui sont « le rouge, le noir, le jaune et le blanc », et qu’ils intègrent aux activités avec Aliet. Tiffany a dit : « Avec Aliet, nous faisons des mathématiques sur le sentier piétonnier à l’aide de fiches de guérisseuse. »
Tiffany utilise maintenant Aliet et ses amis dans la classe de langue mi’kmaw, où elles aident les élèves à mieux comprendre leur langue et leur culture. Tiffany apprécie les manières dont Aliet et les autres poupées aident les élèves à faire des liens avec leurs connaissances traditionnelles. Comme elle l’a indiqué, Aliet peut être reliée à l’histoire du ciel mi’kmaq Muin and the Seven Bird Hunters. L’histoire, comme Tiffany l’a racontée, représente les façons dont les « Autochtones utilisaient les étoiles pour déterminer la saison ».
Outre les poupées comme Aliet, Tiffany invite des membres de la communauté en classe aussi souvent que possible. Sa « ki’ju » (mère), dont la langue maternelle est le mi’kmaw, travaille maintenant dans sa classe tous les jours. De plus, elle a récemment invité un cousin de la famille à inculquer des compétences de survie à ses élèves, comme vider un poisson comme il faut et le faire cuire sur le feu de manière traditionnelle. Elle a insisté sur l’importance « d’utiliser les ressources disponibles dans la communauté » pour revitaliser la langue, la culture et les connaissances mi’kmaw.
Les élèves de Tiffany et les membres de la communauté ont non seulement reconnu l’immense impact de son enseignement sur la communauté, mais elle a également gagné un Prix du premier ministre pour l’excellence en enseignement, que le premier ministre Justin Trudeau lui a remis en personne.
Cocréé par Tiffany Gould, Rachel Moylan, et Christine Moreau