Joanna Alphonso,
Enseignante au palier secondaire
Enseignante depuis quatre ans, Joanna Alphonso enseigne l’histoire du Canada, les études afro-canadiennes, les études micmaques et le droit à des élèves de la 10e à la 12e année. Elle travaille dans une école secondaire publique située à Bridgewater, en Nouvelle-Écosse. Joanna décrit son école comme « une très petite communauté ». Elle explique que l’école accueille essentiellement des élèves de race blanche et estime que « les élèves de couleur comptent pour moins de 10 % dans une école de 900 élèves environ ». Joanna ajoute que, avec ses 52 communautés noires historiques reconnues ainsi que les peuples et les terres non cédées de la nation Micmaque, l’histoire riche et complexe de la Nouvelle-Écosse offre « aux enseignants une occasion unique de collaborer avec des groupes qui ont été historiquement réduits au silence ».
Park View Education Centre
Bridgewater, Nova Scotia
Programme-cadre et ressources
En ce qui concerne le programme-cadre néo-écossais qu’elle enseigne, qui comprend les études afro-canadiennes et les études micmaques, Joanna soutient qu’il faut enrichir la matière afin qu’elle reflète les voix et les ressources de la communauté. Selon elle, « le caractère très général des résultats attendus représente à la fois la plus grande force et la plus grande faiblesse du programme-cadre ».
Joanna croit qu’il est possible d’améliorer le programme-cadre en misant sur « un enseignement plus approfondi des sujets culturellement sensibles ». Elle croit aussi que le programme devrait refléter le savoir communautaire et propose donc « d’aller vers les communautés pour leur demander comment elles souhaitent que leur histoire soit représentée…, afin que les divers points de vue soient reflétés et respectés. » Pour Joanna, il est essentiel d’aller à la rencontre des dirigeants communautaires pour « faire en sorte de transmettre la matière avec discernement ». Comme elle le dit, « il s’agit de la vie de personnes qui ressentent toujours les effets des traumatismes historiques et qui ont été historiquement réduites au silence ».
Comme l’explique Joanna, qui appartient à la communauté afro-canadienne : « On ne m’a pas enseigné la contribution de ma communauté; je ne me suis jamais retrouvée dans mes cours d’histoire. Je suis en mesure d’apporter un point de vue à une communauté hégémonique qui n’a peut-être vu l’histoire que sous un certain angle : celui de la culture dominante ». Joanna croit que ces ressources, pour ses élèves « majoritairement blancs, … enrichissent leur conscience critique et sociopolitique. »
Joanna souligne également que le programme-cadre peut tenir compte des différences culturelles dans le choix de la matière, mais aussi dans le choix de l’approche d’enseignement et d’évaluation. Elle ajoute que « le cours d’études micmaques est axé sur la recherche », ce qui permet aux élèves de « trouver un sens personnel à la matière enseignée et d’établir des liens avec les histoires que nous voyons ». En outre, l’enseignement des « études micmaques montre qu’il existe diverses façons d’exprimer la connaissance et le savoir ». Pour Joanna, cette approche consiste à découvrir des histoires orales et à « donner [aux] élèves la possibilité de montrer ce qu’ils ont appris d’une manière qui leur convient et qui leur permet d’utiliser une approche à double point de vue pour exprimer leurs connaissances ». Cette approche double consiste à voir le monde à travers les savoirs et les visions des Occidentaux et des Autochtones.
Engagement civique
Joanna utilise des points de vue historiques en classe pour mettre en contexte les enjeux sociaux présents dans les communautés des élèves et pour renforcer la capacité des élèves d’être des acteurs sociaux dans le cadre d’activités pratiques.
En ce qui concerne la volonté d’engagement des élèves, Joanna mentionne ceci : « Ce que je peux espérer en tant qu’enseignante, c’est de créer chez mes élèves le sentiment que leur voix compte, elle aussi ». Elle espère qu’en abordant des enjeux communautaires, les élèves verront qu’ils « peuvent contribuer à changer [leur] situation ou celle des autres simplement en investissant leur temps, leur voix et leurs idées ». À ce sujet, Joanna dit que l’enseignement de l’histoire vise à « former des citoyens qui vont dans le monde et veulent le rendre meilleur ».
Joanna et les élèves ont regardé le documentaire There’s Something in the Water, qui s’appuie sur les recherches d’Ingrid Waldron. La proximité de l’une des communautés présentées, Shelburne, donne l’occasion « aux élèves de voir une communauté, au sein même de leur milieu de vie, qui est confrontée au racisme environnemental… l’histoire devient alors réelle pour eux ». À la suite du visionnement, Joanna a mis les élèves en contact avec l’un des organismes concernés qui a déclaré que, depuis le film, « il ne s’est pas passé grand-chose », ce qui confirme l’un des symptômes du racisme environnemental : la lenteur de l’action. Les élèves ont pris conscience de leur responsabilité envers leur communauté voisine et ont voulu agir, demandant : « Que voulez-vous dire, il ne s’est rien passé? Comment pouvons-nous aider à résoudre ce problème? »
Joanna demande aux élèves de réfléchir à une forme d’engagement civique qui peut aller au-delà de leurs propres expériences vécues. Elle explique qu’elle a donné aux élèves un devoir qui portait sur la Commission de vérité et réconciliation (CVR) et qui consistait en « un article de réflexion sur nos responsabilités à l’égard de la CVR en tant que citoyens ». Joanna croit que cette approche incarne ce qu’elle essaie d’enseigner à ses élèves, soit de « bien représenter l’histoire du Canada afin que nous puissions l’intégrer et faire en sorte de créer un avenir meilleur ».
Cocréé par Joanna Alphonso et Christine Moreau