Christine Pagé,
Enseignante d’histoire
Mme Pagé enseigne depuis 15 ans dans une école catholique francophone à Val Caron, une petite communauté du Grand Sudbury marquée par son histoire minière et forestière, ainsi que par l’impact d’une météorite dans les années 1970. L’école, qui accueille aujourd’hui 415 élèves de la 9e à la 12e année, compte une majorité d’élèves francophones, bien que la plupart viennent de familles exogames.
École Secondaire Catholique l’Horizon
Val Caron, Grand Sudbury, Ontario
Enseignement et apprentissage
L’identité francophone de Mme Pagé se reflète dans sa manière d’enseigner l’histoire à ses élèves. Issue d’une famille fière de ses racines francophones, elle est particulièrement inspirée par sa connexion familiale avec Gaétan Gervais, l’un des créateurs du drapeau franco-ontarien. Comme elle l’exprime : « Mon grand-père a également milité pour les services en français, donc, cette fierté et ce militantisme ont toujours fait partie de mes approches pédagogiques. Je souhaite transmettre cette fierté à mes élèves ». Les questions historiques relatives à l’identité francophone sont donc centrales dans sa classe : « c’est certain que je vais aborder [l’histoire] du Canada tenant compte du vécu des francophone en situation minoritaire. Enseigner à Sudbury, un lieu emblématique pour l’épanouissement de l’identité franco-ontarienne, ajoute une dimension unique à son engagement.
L’école se situe dans un lieu historiquement peuplé majoritairement par des familles francophones. Christine raconte aux élèves comment les francophones de la région ont occupé des rôles importants dans des domaines qui leur étaient historiquement propres. Cette transmission d’histoires locales permet aux élèves de se rapprocher de leur propre identité. Dans sa classe, elle met en lumière des moments marquants, comme les luttes des années 1970, lorsque les citoyens de Sudbury se sont battus pour la préservation et la mise en valeur de l’identité franco-ontarienne : « Les élèves savent cela. Donc, il y a une petite fierté, je pense, assez importante à cet égard ». Bien qu’elle observe que ses élèves ne parlent pas toujours français entre eux, elle s’efforce d’insuffler cette fierté francophone de diverses manières.
Les savoirs autochtones
Mme Pagé se consacre à l’exploration de son identité autochtone et réfléchit à la manière d’intégrer cette connaissance dans son enseignement. Elle est membre de la Première Nation M’Chigeeng, située à l’Île Manitoulin. Elle explique que la famille de son père a vécu le « Sixties Scoop », c’est-à-dire le retrait forcé des enfants autochtones de leur foyer pour les placer dans le système de protection sociale. Son père est ainsi passé d’une famille d’accueil à une autre pendant son enfance, sans jamais retourner dans sa famille biologique. Par conséquent, Christine n’a jamais pu connaitre sa grand-mère paternelle. Aujourd’hui, avec ses propres enfants, elle accorde une grande importance aux liens avec les grands-parents. Cette appréciation des liens intergénérationnels influence son approche de l’enseignement, puisqu’elle partage avec ses élèves l’histoire orale des communautés autochtones, y compris l’héritage des pensionnats et de la Rafle des années soixante—des histoires que beaucoup entendent pour la première fois.
L’engagement de Christine en faveur de l’éducation autochtone a toujours été fort, même avant qu’elle apprenne l’histoire de sa famille. Elle s’est souvent sentie dissidente par rapport à l’ancien curriculum, qui reconnaissait à peine le colonialisme. Défiant les conventions, elle travaillait en classe des projets sur les pensionnats, expliquant : « Nous enseignions sur les premiers ministres, tout cela… Je me sentais comme une rebelle, disant : Oui, c’est un sujet controversé, mais faites-le ! » Cette approche a manifestement laissé des traces ; elle a reçu, un jour, une note d’une ancienne élève qui la remerciait d’avoir ouvert cette porte, elle qui travaille maintenant dans un domaine qui exige une connaissance des cultures des Premières nations, des Métis et des Inuits.
Christine estime que les enseignants d’histoire ont la responsabilité de répondre aux appels de la Commission Vérité et Réconciliation. Elle encourage les enseignants à s’informer sur les communautés autochtones proches de leurs écoles, à se rapprocher des centres d’amitié et à enseigner l’histoire sous l’angle de la vérité et de la réconciliation.
Co-created by Christine Pagé and Melissa Daoust