Des coulisses au cercle : l’enseignement collaboratif de l’histoire en ces temps difficiles

Valeria Flores Zambrano, doctorante, Université McMaster

Je suis venue à l’atelier History Education in Troubled Times (L’enseignement de l’histoire en ces temps difficiles) en tant qu’étudiante diplômée qui n’a participé à aucun chapitre dans le livre. Mais ce que j’ai découvert au cours de ces deux jours, c’est un aperçu rare et inoubliable des principes au cœur même de la recherche collaborative, ainsi qu’une nouvelle définition de ce que sont l’apprentissage, la contribution et la communauté.

La première journée, j’ai eu le privilège d’observer des universitaires réunis autour de leurs travaux, échangeant leurs commentaires sur des chapitres qui finiront par être publiés dans l’ouvrage collectif. Étant encore au début de mon parcours universitaire, j’ai rarement l’occasion de voir des chercheurs et des enseignants de ce niveau non seulement présenter des idées abouties, mais aussi construire, affiner et même remettre en question leurs réflexions en temps réel. Il y a eu des moments d’accord enthousiaste, des moments de tension et, surtout, des moments où les idées se sont connectées et où l’on pouvait voir la forme des chapitres commencer à changer.

Je me souviens être restée assise là à penser : c’est ça, la recherche universitaire. Ce n’est pas un travail solitaire, mais un travail collectif, dialogique et dynamique. Ce qui m’a le plus frappée, c’est la diversité des contributions, qui allaient de la crise climatique à la commémoration, en passant par la justice de genre, la guerre, les responsabilités découlant des traités et la vérité historique. Toutefois, à la fin de la journée, des liens que personne n’avait prévus étaient apparus. Sans que personne ne le force, les thèmes de la vérité, des relations, de l’espoir critique et de la réflexivité ont tracé le chemin tout au long de la journée. Et je pense que ce dont j’ai été témoin est difficile à expliquer à moins d’avoir été présent dans la salle : une sorte d’harmonie intellectuelle lente se formant à travers les différences.

Première journée de l’atelier History Education in Troubled Times (photo de Sara Karn).

Puis vint la deuxième journée. Cette fois-ci, le cercle s’est élargi. Des éducateurs de la maternelle à la 12e année ont rejoint la salle : des enseignants, des spécialistes des curriculums et des responsables pédagogiques qui sont confrontés chaque jour à nos « temps difficiles », souvent sans soutien suffisant. Et, au lieu de deux groupes distincts (les personnes qui font de la recherche et écrivent, et celles qui « appliquent »), c’est plutôt une conversation commune qui s’est déroulée. Les éducateurs ont apporté leurs propres cadres de référence, leurs propres questions et leurs propres réalités. Ils ont contribué à ancrer la théorie dans le quotidien. Soudainement, nous ne parlions plus de « comment cela pourrait fonctionner en classe », mais plutôt de la manière dont cela fonctionnait déjà.

J’ai été particulièrement touchée par la rapidité avec laquelle les frontières entre « universitaires » et « non universitaires » se sont effacées. Il n’y avait aucune hiérarchie dans la salle. Les enseignants ont fait preuve du même niveau de curiosité et de perspicacité que les auteurs. Leurs questions ont fait avancer les discussions. Ils nous ont rappelé que l’enseignement de l’histoire ne se limite pas aux livres ou aux articles évalués par des pairs : il se vit dans les salles de classe, dans les plans de cours, dans la politique des conseils scolaires et dans le courage discret qu’il faut pour changer une partie de sa pratique de l’enseignement.

En regardant tout cela se dérouler, je n’ai cessé de penser à l’influence que mes cours d’histoire au secondaire avaient eue sur moi. Comment ils m’avaient ouvert l’esprit, m’avaient donné les mots pour exprimer des choses que je ne comprenais pas encore et m’avaient aidé à imaginer qui je pouvais devenir. Me retrouver aujourd’hui dans une salle pour contribuer à façonner cette expérience pour les futurs élèves était quelque chose que je n’aurais jamais imaginé possible. J’avais l’impression d’avoir bouclé la boucle, de participer à l’évolution et à l’amélioration de l’enseignement de l’histoire qui avait changé ma vie.

Je suis sortie de l’atelier transformée. Non seulement j’avais acquis un respect plus profond pour la vulnérabilité et l’attention qui caractérisent l’écriture collective, mais j’avais également pris conscience de l’enjeu. Ces conversations ne sont pas abstraites. Elles façonnent la manière dont les jeunes parviennent à connaître le passé, à comprendre le présent et à imaginer le futur. Et avoir été là, assise dans ce cercle, témoin de la naissance, de l’affinement et du partage de ces idées, a été un cadeau extraordinaire.

Je n’ai pas écrit de chapitre, mais je pars avec plus que des notes. Je pars avec une nouvelle perception de ce que ce travail peut être. Et je garde à l’esprit que la recherche la plus puissante est celle qui s’exprime à travers de nombreuses voix et qui sait écouter.

Valeria Flores Zambrano est une doctorante en histoire environnementale de l’Amérique latine à l’Université McMaster, où elle mène des recherches sur l’utilisation par Pinochet de différents environnements comme armes et outils de terreur pendant la dictature chilienne. Elle est assistante à la recherche pour le projet History Education in Troubled Times. Valeria est également coordonnatrice de projet pour le réseau latino-américain de l’Université McMaster (LANMU) et étudiante ambassadrice pour le programme Access. Elle se passionne pour l’enseignement et l’apprentissage, l’engagement communautaire et tous les niveaux d’éducation.